Le millésime 2020
An III du Chemin.
La précédente campagne de taille avait été fastidieuse. Entre la taille de restructuration des ceps atteints par l’Esca, le brûlage des sarments (pour limiter la propagation de cette même maladie) et notre inexpérience en matière de taille, nous avancions lentement.
En ce millésime 2020, la première des résolutions fût de ne plus brûler les sarments pour deux raisons complémentaires : il n’était pas démontré que les bois morts contribuent au développement des maladies du bois et nous nous privions d’un apport de matière organique non négligeable.
Le fait de ne plus brûler les sarments nous fit gagner un temps considérable, que nous consacrions alors au soin des plaies de taille et la taille de restructuration.
En tout état de cause, il nous fallait gagner en efficacité puisque le domaine s’était enrichi par l’acquisition d’une grande parcelle de Cinsault, ainsi que d’une plus petite d’un cépage nommé Alicante. Soit 7,5 hectares à tailler contre un peu moins de 6 l’année précédente.
Malgré les efforts de 2019, la mortalité est restée importante. La parcelle de Syrah dite des Intillières nous inquiète tout particulièrement. Atteinte d’un syndrome dit de « dépérissement », un quart de manquants sont enregistrés et de très nombreuses souches présentent d’ores et déjà les symptômes d’une mort inéluctable.
En bref, cette campagne de taille 2020 nous confirmait l’impérieuse nécessité de réfléchir à moyen terme sur une restructuration du matériel végétal. Nous commençons à nous documenter sur le travail des pépiniéristes et plus particulièrement ceux acceptant de travailler sur des sélections massales (c’est-à-dire du végétal choisi par le vigneron lui-même).
Toujours au rang des sujets indispensables à la pérennisation de notre petite entreprise agricole, il nous faut trouver un terrain pour nous permettre de construire notre futur chai. Le bâtiment du Domaine de Salente était parfait pour débuter et vinifier 5 hectares, il sera largement inadapté pour nous permettre d’en vinifier 10, soit la surface de production nécessaire pour pouvoir en vivre à terme. Or, en cette année 2020, les portes se referment les unes après les autres… Nous terminerons cette 3ème campagne sans la moindre perspective favorable sur le sujet.
Concernant la météorologie du millésime, l’hiver a été une nouvelle fois très doux et trop peu pluvieux pour reconstituer des réserves suffisantes. Du fait de ce haut niveau de cumul de température, la vigne s’est donc éveillée tôt, dès la 3ème semaine de mars. Nous voyions alors des pousses déjà jaunies par le manque d’eau. Fort heureusement, à partir de la mi-avril et pendant 2 mois, le printemps a livré de bonnes pluies, importantes et régulières.
La vigne n’a connu aucun stress hydrique aux différents stades critiques de sa croissance, sur la fleur notamment. La pression des maladies cryptogamiques était forte du fait de l’importance et la fréquence des précipitations. Nous avons pris le parti de faire des essais pour mieux comprendre le cycle de fonctionnement du Mildiou et de l’Oïdium.
Les parcelles « objet de l’expérience » (c’est-à-dire qui n’ont pas été protégées contre les attaques des maladies) ont livré leur verdict : sans traitement en temps et en heure, il faut s’apprêter à subir des pertes de l’ordre de 70% de récolte. Mais nous voici désormais exactement conscients qu’il est sans doute plus utile de traiter au moment opportun que de les multiplier ou augmenter le dosage.
Forte de ces pluies printanières, la vigne a disposé de toutes les réserves hydriques dont elle avait besoin pour s’épanouir et traverser l’été en toute quiétude, d’autant que cet été 2020 fût bien plus tempéré que celui de l’été 2019. Nous imaginions alors des vendanges en septembre, bien que la vigne ait débuté son cycle très tôt.
Finalement, 2020 sera un millésime encore plus précoce que 2019 : la vigne ayant continué à disposer des ressources nécessaires pour continuer à faire pousser de nouvelles feuilles, l’accroissement de la surface foliaire a augmenté la capacité de photosynthèse de la plante et vraisemblablement contribué à accélérer la maturité des raisins.
C’est ainsi que le coup d’envoi des vendanges a été donné dès le 18 août pour s’achever le 3 septembre.
Les raisins étaient particulièrement beaux et sains. La vigne avait eu indéniablement tous les éléments nécessaires pour produire un fruit généreux.
En cave, le projet était de généraliser dès ce millésime les levures indigènes, c’est-à-dire de laisser les levures naturellement présentent en cave et sur les raisins déclencher le processus de fermentation alcoolique, l’objectif étant de nous rapprocher le plus possible de l’expression de nos terroirs.
Nous avons été comblés. Toutes les cuves ont parfaitement bien fermenté, y compris celles qui les années précédentes nous avaient posé difficulté. A la sortie des fermentations, les jus sont apparus incroyablement équilibrés : un fruit charnu et délicat porté par des tanins fins et une acidité toute en retenue.
Ce troisième millésime nous aura marqué par l’importance fondamentale de cette eau abondante tombée au printemps, démontrant qu’au-delà des pratiques agronomiques et des choix de conduite de la vigne, c’est bien elle qui apparaît comme étant le facteur X dans nos régions méridionales.
En définitive, ce millésime 2020 nous a permis de mesurer nos progrès dans la compréhension du cycle de la vigne ainsi qu’en matière de vinification. Il nous a surtout prendre conscience du chemin restant à parcourir pour disposer d’un matériel végétal pérenne, alimentant les réflexions sur ce que seront l’évolution de nos pratiques en 2021, notamment en ce qui concerne le travail des sols.
Fin des vendanges dans notre vieux Carignan de St Saturnin